Témoignages de deux habiants des péniches du quai des lignes
En mettant un pied sur une des péniches stationnées Quai de la Ligne, à deux pas d'un trafic automobile incessant et à peine plus de l'ébullition de l'intra-muros, on retrouve comme un paisible air de vacances. Et on comprend vite que certains aient choisi de s'y établir sur la durée, même s'ils n'en ont pas franchement le droit. Rencontre avec deux "pénichards" purs jus, bien plus poètes que voyous.
Jean, 71 ans. Arrivé en 1998, ce Basque marié à une Australienne possède l'une des plus belles péniches de la rive : une terrasse adorable, trois chambres et trois salles de bains, une piscine et deux grandes mosaïques devant son ponton. Pourtant, Jean vient de la mettre en vente. Et ne se fait pas prier pour expliquer pourquoi : "J'en ai marre d'avoir affaire à des... J'ai déjà eu deux procès et les gendarmes sont même venus m'embêter parce que j'avais un pavillon australien . La vérité c'est qu'avec nos péniches, la mairie ne récupère pas d'impôts et ça les emmerde ! Les pénichards sont des petits artisans à la retraite qui demandent juste la paix. Ce qui me fait mal, c'est que le yacht d'un milliardaire, ils auraient jamais eu le courage de le virer !" Jean aime "la sensation de liberté" qu'offrent les péniches et invoque le fait qu'elles font partie du "folklore et du patrimoine.""A Paris, ils les ont virés, et maintenant, ils s'aperçoivent combien un quai vide peut être triste "Celui de la Ligne le sera forcément un peu plus quand Jean, sa gouaille inimitable et ses jolies mosaïques seront partis vers d'autres cieux.
James, 67 ans. "Vivre en ville me serait impossible." James, batelier et fils de batelier, a passé toute sa vie sur des péniches, et compte bien y rester. Celle qui lui sert de maison est longue de 39 mètres, mais seule une minuscule partie est habitable. Quelques mètres carrés que lui et sa femme Yolande ne quitteraient pour rien au monde. Dans leur chambre, James a accumulé dans des petits pots de verre soigneusement étiquetés tous les produits qu'il a transportés sur ses péniches à travers l'Europe : du soufre de Rotterdam, du gravier d'Alsace et même des bouts de verres, souvenir d'une cargaison acheminée vers Arles depuis l'Allemagne. Il y a 10 ans, la retraite venue, il a décidé de jeter l'ancre à Avignon, et confie, plein de malice, "ne même plus savoir où est la manivelle pour la remonter". Pourtant, lundi dernier, il a reçu une lettre du Tribunal Administratif de Nîmes le sommant de déplacer sa péniche dans les deux mois et lui signifiant sa condamnation à 1000€ d'amende. Pas de quoi affoler le couple : "On veut bien qu'on déplace la péniche, mais pour nous mettre où ? C'est interdit en aval, en amont, et sur l'autre rive !"
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire